Le cinéma éthiopien est à l’honneur au Festival du film de Locarno. Avec Teza, le réalisateur Haile Gerima fait le bilan d’une génération broyée par les dictatures.

Quand l’Ethiopien Anberber rentre dans son village, en 1990, c’est un homme marqué. Il ne reconnaît plus sa famille et se réveille en sueur toutes les nuits à cause de ses cauchemars. La journée, il est poursuivi par des hallucinations. Sa vieille mère et ses frères, qui le croient possédé par des forces maléfiques, le mènent auprès du clergé orthodoxe. Aspergé d’eau bénite, à force de prières, Anberber parvient alors à vaincre son amnésie.

Des souvenirs lourds à porter

Par une série de flashbacks, le spectateur découvre le passé tourmenté du personnage. Après des études de chimie en Allemagne de l’Ouest dans les années 1970, il rentre en Ethiopie dans les années 1980, pour y exercer la profession de médecin. Avec énergie, il s’engage alors dans la lutte contre les maladies bactériologiques qui déciment son peuple.

Mais l’atmosphère politique est instable. Bientôt poursuivi par la police politique, qui lui reproche un communisme trop timoré, il est forcé de faire son autocritique devant un tribunal populaire. Témoin du lynchage de ses amis, lui-même menacé, il se retrouve prisonnier d’un système en guerre contre « les intellectuels ».

En deux heures et quart de long-métrage, le spectateur assiste à un véritable panorama historique. Témoin des déboires d’une génération de jeunes idéalistes, le public découvre les coulisses d’une Ethiopie ballotée par la Guerre froide.

Une modernité discréditée

Teza, c’est aussi le récit d’une modernité discréditée. L’Ethiopie, un des seuls pays africains à n’avoir jamais été colonisé durant le 19e siècle, traverse le 20e siècle à marche forcée. D’abord sous le régime d’un monarque absolu, le Négus Hailé Sélassié, puis sous la férule du dictateur communiste Mengistu. La modernisation, instrumentalisée par les gouvernements successifs, y devient une arme qui se retourne contre le peuple. Anberber, par ses compétences scientifiques, devient peu à peu le complice d’un régime autoritaire, avant de chercher la rupture. Il trouve la rédemption par le truchement de sa vieille mère, qui le réconcilie avec sa famille paysanne et ses origines rurales.

Blaise Fasel

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Teza, 2008, 139’

Director : Haile Gerima

Catégorie « Open Doors », Festival del film Locarno