Le racisme est un sujet difficile à aborder au cinéma. Comment faire d’un repoussoir un objet d’attrait ? Soleil O, réalisé par ceux qui ont souffert les premiers de cette injustice, choisit une approche frontale, sans concession aucune. Car toute concession serait une trahison.

Le film commence par un prologue composé de tableaux allégoriques retraçant les débuts du colonialisme et de la traite des Noirs. Si ces scènes portent à rire par leur style volontairement grotesque, ce n’est que pour mieux accentuer les sévices qui seront infligés aux peuples d’Afrique. Les Noirs doivent abandonner leurs langues, leurs coutumes, leurs noms d’origine. On les dépouille de tout afin de mieux leur imposer les bases de la culture occidentale, représentées par la religion chrétienne, les états-majors et l’éducation. Le film enchaîne sur une structure plus classique et réaliste en suivant le parcours d’un Africain « blanchi », fraîchement arrivé à Paris, persuadé d’être accueilli comme le bon Français qu’on lui a appris à être.

Son désenchantement sera total. Rejeté, stigmatisé, déshumanisé, notre héros qui pourrait bien être le double du réalisateur révèle pas à pas toute notre hypocrisie et notre haine crasse. Du petit bourgeois traditionaliste au politicien technocrate en passant par des demoiselles en quête de fantasmes exotiques, les Blancs ne sont pas épargnés. Et pourquoi devraient-ils l’être ? Ce que Soleil O démontre, c’est à quel point le racisme est systémique, conséquence directe d’un modèle économique permettant de traiter des êtres humains comme une marchandise pour mieux les rejeter lorsqu’ils cherchent du travail chez leurs envahisseurs. Notre immigré et ses compatriotes habitent dans des taudis, ne trouvent que des métiers ingrats et finissent par se haïr eux-mêmes, faute de pouvoir exprimer leur identité.

Le réalisateur, Hondo, est libre autant dans son discours que dans sa mise-en-scène, alliant style documentaire et expérimentations. Certaines scènes sont insoutenables et c’est le but. Hondo ne veut pas nous attendrir ou nous apitoyer. Il dénonce, il accuse, et ça fait mal. Cette violence n’est après tout que le miroir tendu à une France complice et irresponsable. Bien qu’accueilli avec les honneurs lors de sa projection au festival de Cannes de 1970, le film sera bientôt interdit dans plusieurs pays. Après tout, Hondo avait commis le plus grand pêché que puisse faire un cinéaste ; dire la vérité.

Quelle joie ce serait de pouvoir dire que le film n’est plus d’actualité. Hélas il n’est nullement besoin d’ouvrir le journal ou de regarder votre fil d’actualité Facebook pour s’en convaincre. Soleil O nous le montre bien, le racisme est partout, dans la rue comme au Sénat, et c’est avec un « à suivre » des plus implacables que le film se conclut.
Que faire alors si ce n’est crier ?

Soleil O
Med Hondo
France, Mauritanie
1967
Au FIFF: Vendredi 23.03, 15:00, Arena 7

Crédits photo: © FIFF