La nouvelle édition du festival organisé par le Centre Fries ouvrait ses portes vendredi dernier. L’occasion pour Spectrum d’aller siroter quelques bières en chanson avant de se plonger dans les révisions en pleurant.

Rock, chanson française, bricoswing… un programme hétéroclite a animé les quelques centaines de festivaliers qui se sont rendus à la rue Guillaume Techtermann 8. Ce sont les Fribourgeois de Bable’s qui ont ouvert le bal à l’heure de l’apéro sur la grande scène avec leur pop-folk dansante et profonde. Duo au début de leur formation, le line-up que nous avons découvert sur scène se composait de six musiciens. L’une des chanteuses, Sandra, explique : « On voulait marquer une évolution dans le groupe. Du coup on s’est entouré de musiciens qu’on connaissait ou que la musique nous a fait connaître ». Tout au long du concert, les artistes se sont échangés les instruments pour proposer des chansons variées, prenant pour seule et même base les voix suaves et envoûtantes des deux chanteuses. Pimenté par de nombreuses impros qui ont apporté fraîcheur et spontanéité, le set (qu’ils jouaient pour la première fois tous ensemble) a su séduire un public qui ne demandait pas mieux pour commencer ces deux jours de musique.

@bablesway EP de 4 titres prévu pour juin 2018

Peu après sur la petite scène, c’était au tour du groupe The Kaze de nous faire vibrer les tympans grâce à un hip-hop alternatif bien inspiré de Rage Against the Machine mais dont les paroles sont chantées en français. Le rappeur, Nicolas, justifie ce choix : « Je maîtrise mal l’accent anglais, ce serait me tirer une balle dans le pied et comme je trouve que j’écris relativement bien en français alors on est parti dans cette optique ». Les textes, conscients et réfléchis, sont soutenus par une bonne base rythmique qui laisse aussi énormément de place à la guitare. La recette marche bien, d’autant plus quand on sait qu’à la base The Kaze voulait être un groupe de funk. Le quatuor a séduit tant les amateurs de rock que ceux qui préfèrent le rap et aiment comprendre les paroles pour mieux apprécier une chanson. Mais finalement, The Kaze, c’est quoi Nicolas ? « C’est la case qu’il te manque ! ». Merveilleux.

https://www.thekaze.ch EP de 5 titres sorti le 1er mars 2018

En début de soirée, Director, autre groupe fribourgeois, s’est déchaîné sur la grande scène en distillant un rock puissant et énergique. Belle présence scénique. Tous les membres ont le smile et un amour pour les Arctic Monkeys qu’ils ont du mal à cacher, comme en témoigne le chanteur, Hugo : « On ne nous dit pas souvent qu’on sonne comme les Arctic Monkeys. On nous le dit tout le temps ». Si certaines chansons ne sont jouées qu’avec une guitare, la deuxième partie de leur set a été pensée entièrement pour deux, jouées par Luca et Hugo. Il en ressort une bonne coupure avec ce qui a déjà été entendu. Tous les membres ont un bon niveau technique et nous ont confié que leur force, c’était qu’ils prenaient chacun part au processus de composition. Fait plaisir de voir des jeunes aussi motivés qui se donnent les moyens de réussir en travaillant avec passion. Director a tout pour devenir un grand de la scène rock suisse. Moi en tout cas, j’ai beaucoup aimé les écouter en buvant une bière du Vully.

@directorband EP sorti en mars 2018 et vernissage prévu le 11 mai à Ebullition

Mélangez chanson à texte, jazz manouche, une pile électrique et une bonne dose de folie pour obtenir (pas les Super-Nanas) Les Fils du Facteur. « On a choisi ce nom parce qu’il correspond à notre image et qu’on le retient facilement », raconte Emilien, l’accordéoniste. Le duo a mis le feu sur la petite scène au milieu de la soirée pour chauffer une dernière fois le public avant la tête d’affiche de la soirée, The Street Lemon. Rencontrés à l’école d’art de Vevey, les compères ont commencé à jouer dans la rue et dans quelques manifestations pour payer leurs études en prenant du plaisir. « On fait notre setlist selon le public, on regarde comment ça réagit en face et on joue en fonction », nous dit Sasha, à la guitare et au chant. En effet, on sent que tout est spontané sans toutefois tomber dans quelque chose de trop décousu. A voir absolument pour les fans de chanson française à l’énergie débordante.

http://www.lesfilsdufacteur.com Album sorti le 20 avril 2018

Pour clore cette magnifique soirée, la grande scène a fait place à The Street Lemon, qui ont fait danser l’audience plus d’une heure au rythme de leur bricoswing endiablé. La mise est scène est absolument géniale. Des décors et des instruments venus de nulle part nous plongent directement dans un univers loufoque dont ils ont le secret. Sans parler des interventions théâtrales et pleines de caractères de la chanteuse Mary Lemon qui dynamisent la scène rendant le show aussi auditif que visuel. Niveau technique, c’est du très gros. C’est des pros et ça s’entend. Comment qualifier leur musique ? Il faut dire que bricoswing convient assez bien. A mi-chemin entre l’électro et le rock, en passant par le funk, les artistes ont réussi à créer une identité, une image et un son qui leur sont propres. Expérience à tenter au moins une fois.

@TheStreetLemon EP de 5 titres sorti le 16 mars 2016

C’est avec une ambiance plus légère, nuageuse, mais non moins chaleureuse, que débute la deuxième soirée du festival. Une bonne partie des personnes présentes sont des récidivistes ambiancés (repérables par leur double bracelet) prêts à refaire danser le Centre Fries en découvrant les nouveaux artistes, le tout entourés de guirlandes, de bars, de bières et de pizzas. Une certaine fatigue se fait ressentir, mais la motivation n’en est pas moins forte que la soirée précédente, et le bal peut enfin commencer.

Les festivités musicales s’ouvrent avec Charles in the Kitchen, un groupe de rock qui se déchaîne sur la scène après plusieurs mois d’absence dus à une pause forcée, heureux d’inaugurer leur nouveau batteur (bienvenue à bord, Nico!) et pas du tout dérangés à l’idée de jouer à l’heure de l’apéro, malgré le peu de monde présent devant la scène et la timidité des débuts de soirée. « Bah évidemment c’est quand les gens sont bourrés qu’on veut jouer ! [rires] mais non mais là c’était cool, super ambiance, les gens sont gentils, il fait beau ». Pourquoi Charles in the Kitchen ? Parce que tout a commencé dans une cuisine de 40 m2, et que Charles c’est classe (et que c’est chiant à chercher, un nom de groupe). Tous venus d’horizons différents, c’est l’amour du rock qui les rassemble : « On est des immenses fans des Eagles of Death Metal, avec ce côté un peu debilos, rock tapette assumé ! ». Ils jouent à fond, ils jouent sérieux, mais ils s’amusent. Pour ceux qui les auraient loupés, ils seront le 2 juin dans la brasserie BFM à Seigneux-Légier et ils sortent leur 45 tours en collaboration avec les Them Stones le 1er juin, vous avez donc tout le temps de vous rattraper.

https://www.charlesinthekitchen.com/

La soirée continue avec Bushi und Anni, un groupe de folk qui a fait danser nos chers festivaliers par sa musique enjouée. Cette dernière détonne au milieu des différents groupes de ska et de rock qui passent le long de la soirée.

http://www.buschiundanni.ch/

C’est au moment où le public est le plus nombreux et que la fête semble se lancer gentiment qu’arrivent les Huge Puppies et leur ska-punk, jouissant déjà d’une certaine renommée en Suisse depuis plusieurs années. Six boules d’énergies enflammées font alors chauffer la grande scène. Comme ces Lausannois le disent, il n’y a pas que la ska-punk dans la vie mais, pour ma part, je pense qu’il en vaut le détour. Pour les (ré)écouter, allez vous munir de Cynocracy, leur album sorti en 2017 dont l’un des single, Backbone, s’est retrouvé sur la compilation mondiale de What do you know about ska punk qui regroupent chaque année des musiques d’artistes de vous-aurez-compris-quel-genre-musical.

https://www.hugepuppies.com/

C’est maintenant au tour des Papaya Fuzz de montrer ce qu’ils valent en matière de garage-punk, dont l’échauffement attire les curieux tout en maintenant l’excitation jusqu’au début du concert. On est déjà plus tous très sobres mais on pourrait jurer que, durant le long de la performance, le gravier se met à vibrer sous nos pieds. Comme ils viennent de Fribourg, vous risquez bien de les retrouver par là autour si vous les avez manqués au FriAir et, sinon, ils ont sorti un EP en novembre, Surf Attack Avenue, qui ne demande qu’à être écouté (ne serait-ce que pour l’illustration de pochette assez tripée made by Stay Dirty). « On a aussi pour projet de sortir un 45 tours », me confient-ils. Et si ça vous tente d’aller écouter leur prochain concert, Romain m’apprend que, je cite, « Marjo sera topless », donc c’est tout bénèf’.

https://papayafuzz.bandcamp.com/

La soirée se termine avec Malaka Hostel, de la « dirty ska », dont les membres donnent tout ce qu’ils ont pour finir le festival en beauté. Mais ce n’est pas encore fini pour tout le monde, et ceux qui veulent un peu de techno peuvent encore profiter du DJ Lumière Noar, ou du DJ Yeleen pour le côté plus deep house. La motivation est encore présente, mais la fatigue se fait ressentir et le Centre Fries se vide gentiment. Le FriAir, c’est terminé pour l’instant, mais l’édition de cette année promet de belles suites !

https://www.malakahostel.com/

Rédacteur.rice.s: Evan Lumignon & Sophie Sciboz

Crédits photo: Silvio Kaufmann