La capacité de l’art à changer les mentalités reste sujet à débat. Il n’en demeure pas moins que c’est souvent par l’art que l’on peut le mieux exprimer les inquiétudes et les enjeux de notre temps. Jeudi soir, au Centre Fries, des poètes et poétesses à la langue agile nous l’on prouvé une fois encore.
La semaine de la durabilité approche de sa conclusion. Votre serviteur, repus de sandwichs récupérés et de boissons équitables, était pris d’une douce torpeur, songeant à tout ce qu’il avait appris durant ce périple écologique. Il n’était pas au bout de ses surprises !
A 19h15, le Centre Fries accueillait des poètes et poétesses spécialisé∙e∙s dans le slam, venu∙e∙s électriser la soirée avec des textes se rapportant tous de près ou de loin au réchauffement climatique. Si les deux genres ainsi que plusieurs tranches d’âge étaient bien représentées dans ce groupe hétéroclite, ils étaient tous germanophones. Aucun∙e poète et poétesse de langue française ne semble avoir pu se rendre disponible ou être suffisamment inspiré∙e par le thème. Étrange et alarmante carence, et ce d’autant plus pour votre journaliste dont le niveau d’allemand n’excède pas celui de l’école secondaire !
Mais un professionnel se doit de mener sa mission à bien. Heureusement qu’une collègue alémanique se trouvait dans l’assistance pour m’aider ! Parlant du public, ce dernier était venu en masse, si bien qu’il fallut rajouter des sièges !
La séance commence avec l’un des artistes, chauffeur de salle, seul et pourtant maître de lui sur la petite scène, entourée de deux enceintes. Il nous rappelle les règles du slam. Premièrement, pas de texte connu, tout doit être écrit par le poète ou la poétesse. Deuxièmement, pas de chant, uniquement le rythme de la parole. Troisièmement, respecter une limite de temps prédéfinie. Quatrièmement, venir au naturel, pas de déguisement. Et cinquièmement, le Respect ! Respect de l’artiste pour son public et vice-versa.
Et c’était parti ! Chacun∙e, tout en respectant les règles énoncées, trouvait le moyen d’apporter sa propre touche, son style, son individualité. Le rythme changeait, le ton aussi. Tantôt satirique, tantôt revendicateur, parfois mutin. Je retiendrai surtout Gabriella et sa fable moderne du gros méchant Donald et de son excuse des Fake News pour discréditer les scientifiques. C’est d’ailleurs cette critique des pouvoirs en place qui réunit ces artistes, rappelant que si l’art n’est pas le grand remède aux mots de l’humanité, il n’en est pas moins le médecin. Ces poètes et poétesses ont pris le pouls de notre société, et derrière le grand-guignol, se cache un diagnostic, assez alarmant. S’il faut agir, c’est maintenant ou jamais.
C’est avec ces réflexions tournant dans ma tête que je reprenais la route, à demi-somnolent dans le wagon du train me ramenant à ma chaumine. Le vieux briscard des planches avait été impressionné par les slammers, la barrière de la langue s’étant vite baissée face à leur verve et leur pertinence.
Rions ensemble de notre société malade, mais que ce rire soit un pas vers l’action et la prise de conscience, et non un anesthésique.
Crédit photos : Guillaume Babey