La crise du climat nous force à tout repenser, jusqu’aux modes d’exploitation des ressources alimentaires. Le centre Fries et quelques activistes entraîné∙e∙s nous rappellent que les solutions existent déjà. Il suffit d’observer.
La permaculture fait sporadiquement parler d’elle dans les médias traditionnels sans qu’on se penche sur sa définition ou ses origines. Heureusement, deux membres de l’association APPEL basée à Lausanne nous font l’historique de cette pratique. Les années 1970 voient l’émergence d’une conscience écologique suite à différents scandales, notamment autour des pesticides. Les messieurs Mallison et Wollingen publient en 1978 Permaculture One, qui pose les bases de la méthode. La permaculture, plus qu’un système arrêté, est un ensemble d’initiative et de pratiques écologiques qui convergent vers les mêmes conclusions, à savoir qu’une surexploitation des ressources, sous forme de monoculture, impacte négativement la biosphère et par conséquence la qualité des vies humaines.
Plusieurs grands noms sont cités par nos conférencier∙ère∙s, depuis le visionnaire Japonais Masanobu Fukuoka et son idée du « laisser faire la Nature » jusqu’à l’Américain Ben Falk, réussissant à faire chauffer son jacuzzi avec du compost en plus d’avoir réussi à cultiver des rizières dans les froides hauteurs du Vermont. Les membres de l’APPEL reconnaissent le manque de femmes dans leur liste de permacultistes influent∙e∙s et s’engagent à corriger cet aspect-là de leur discipline.
Par ces exemples, on constate à quel point la Nature et les agriculteur∙rice∙s d’avant l’avènement du pétrole avaient déjà conçu des moyens de production efficaces et respectueux de l’environnement. La notion de zonage est essentiel. Il s’agit de répartir les types d’aliments cultivés dans des zones concentriques suivant l’énergie demandée à leur entretien. Plus la zone est éloignée des habitations, moins les cultures qui s’y trouvent nécessitent de soins. La dernière zone est réservée à la vie sauvage. Dans la permaculture, les agriculteur∙rice∙s travaillent avec l’écosystème au lieu de le subdiviser. On privilégiera des variétés animales dites rustiques au lieu de sélectionner des variétés fragiles constamment sous médicaments.
Néanmoins nos conférencier∙ère∙s sont conscient∙e∙s que ces stratégies ne sont pas efficaces partout et que l’abandon des machines doit se faire progressivement, les décisions doivent être prises collectivement. La preuve par l’exemple étant souvent la plus efficace, le centre Fries nous a présenté son jardin pour que le public puisse exercer son esprit créatif et proposer des solutions permagricoles. L’initiative ne s’arrête pas là puisque le 1er avril aura lieu au même centre Fries un atelier pratique destiné à transformer ce jardin, enrichi par les discussions de la conférence. De plus, l’APPEL organise des séjours de 12 jours pour donner des cours de design en permaculture aux intéressé∙e∙s, à des prix abordables pour les étudiant∙e∙s.
En quittant le jardin encore modeste et pourtant si plein de potentiel, il me revient l’adage de John Hammond à la fin du Monde Perdu Jurassic Park : « ces créatures ont besoin de notre indifférence et non de notre intervention ». Si une absence totale de contrôle sur notre environnement est difficile et pas forcément souhaitable, la sagesse du « laisser agir » de Fukuoka reste pourtant une meilleure alternative. Pour sauver notre environnement et les êtres qui le peuplent, peut-être faut-il nager dans le même courant plutôt que de vouloir le détourner.
Crédit photo : Guillaume Babey