L’article « Quand l’Université musèle l’arc-en-ciel », paru dans notre dernier numéro, a beaucoup fait parler de lui. Ayant dénoncé cette affaire d’homophobie qui avait eu lieu en 2017 au sein de l’Université de Fribourg, Spectrum avait promis un droit de réponse à toute instance universitaire. Chose promise, chose due !

Aux quatre coins de l’Université de Fribourg, les différentes institutions universitaires réagissent. Parmi elles, deux associations estudiantines : LaGO, qui défend les intérêts des personnes LGBTQIA+, et EquOpp, dont la mission principale est de lutter contre les discriminations multiples (sexisme, racisme, homophobie, validisme, etc.). Le Rectorat a lui aussi tenu à s’exprimer face à cette affaire. Ci-dessous, les prises de position de chacune de ces sources.

LaGO

LaGO a rapidement pris position face à l’affaire soulevée par notre article : « l’Université est un lieu public, ses services ainsi que l’enseignement qu’elle offre sont en partie financés par les taxes payées par les étudiant·e·s et par l’argent public. De plus, elle est avant tout un lieu de savoir et de connaissance, ce qui rend d’autant plus inadmissible que des propos discriminatoires et stigmatisants y soient ouvertement enseignés et diffusés ». Selon l’association, l’Université de Fribourg ainsi que ses services et ses facultés « se doivent de répondre à la dénonciation de tels propos infondés tant scientifiquement qu’éthiquement ». LaGO exige donc que des mesures concrètes soient prises à la fois pour sanctionner ces discriminations et pour assurer qu’elles ne se reproduisent plus. A noter qu’un nouveau doyen a été récemment nommé à la tête de la Faculté de Théologie. « Nous espérons de sa part plus de fermeté face à ce type de comportements et de propos », déclare LaGO. Quant aux personnes victimes de discriminations, l’association rappelle qu’elle offre « un espace de parole et de soutien » lors des nombreux évènements qu’elle organise tout au long de l’année.

Le 6 juillet 2019, LaGO était à la Marche des Fiertés de Genève. ©Julie Gay

EquOpp

Officiellement, EquOpp s’aligne sur la prise de position de LaGO, condamnant elle aussi fermement les propos discriminatoires proférés par le·la professeur·e. L’association tient notamment à féliciter le·la témoin « pour son courage et sa détermination face à une telle adversité » et à dénoncer « l’inaction et le silence de la Faculté de Théologie ». Par ailleurs, elle nous apprend qu’une action symbolique (non-organisée par EquOpp) aurait récemment eu lieu devant la salle des professeur·e·s de la Faculté de Théologie : des étudiant·e·s s’y seraient rassemblé·e·s, formant une « haie de la honte » (en référence aux haies d’honneur) en brandissant des pancartes et des exemplaires de Spectrum. Si les manifestant·e·s étaient réuni·e·s sur ce lieu précis, ce n’était pas du tout un hasard : à ce moment-là, un comité de faculté regroupait le doyen ainsi que des représentant·e·s du corps enseignant, du corps doctorant et du corps estudiantin. « Cette action avait pour but de dénoncer la tolérance de propos homophobes par la Faculté de Théologie et demande une prise de position claire ainsi que des mesures adéquates », conclut EquOpp. En réaction à toute cette affaire, l’association annonce officiellement la mise à disposition prochaine d’un questionnaire d’enquête plurilingue portant sur la discrimination au sein de l’Université, dans le but de dénoncer les comportements discriminants qui s’y déroulent.

Le Rectorat

Chantal Martin Sölch, vice-rectrice au sein du Rectorat de l’Université de Fribourg. ©Pierre-Yves Massot

Le Rectorat, quant à lui, nous a adressé une lettre ouverte à l’attention de l’étudiant·e qui avait témoigné auprès de notre magazine. « Nous avons lu votre témoignage et sommes très sincèrement désolé·e·s de l’expérience que vous avez faite avec un·e de nos enseignant·e·s. Nous regrettons que vous n’ayez pas reçu le soutien nécessaire pour vous au moment des faits », peut-on y lire. La vice-rectrice Chantal Martin Sölch nous confie : « nous ne pouvons pas contrôler tous les contenus des cours donnés à l’Université, mais le Rectorat est en contact régulier avec chaque faculté et nous sommes actuellement en train de clarifier les circonstances de cette affaire », avant d’ajouter que « le Rectorat ne tolère aucune forme de discrimination et s’engage pour un climat d’égalité des chances ». Quand on consulte les statuts de l’Université, on constate alors qu’il n’y a pas de place pour les malentendus entre ses lignes : dans toutes ses activités, l’Université s’engage à respecter le principe de non-discrimination. Officiellement, cette règle englobe tous les aspects comme l’orientation et l’identité sexuelles, mais aussi l’égalité entre femmes et hommes, l’origine nationale ou ethnique, les situations de handicaps mental et physique, ou encore l’appartenance religieuse ou politique. Lorsqu’on le confronte aux accusations soulevées par LaGO et EquOpp, le Rectorat se défend d’être passif face aux discriminations. « En 2018, nous avons mis en place un office de médiation qui peut être utilisé par tou·te·s et est soumis au secret de fonction. En cas d’expérience de discrimination, il s’agit donc des personnes à contacter », déclare la vice-rectrice. En signe de bonne foi, C. Martin Sölch rappelle également les démarches entreprises ultérieurement par l’Université, comme la récente reconnaissance de l’association LaGO par le Rectorat ou le numéro de décembre 2018 du magazine scientifique Universitas, intitulé LGBT+. Chacun·e son genre. Finalement, le Rectorat invite officiellement le·la témoin à s’adresser directement à lui « pour mener une critique constructive ».

Pour l’heure, il ne semble pas encore être question de supprimer le cours susmentionné. A présent, il revient aux étudiant·e·s de juger si les mesures entreprises par la direction universitaire sont suffisantes, ou si au contraire ils·elles ne voient là que de la langue de bois. Affaire à suivre.