Lors d’un cours académique, un·e étudiant·e de l’Université de Fribourg s’est vu proposer par sa·son professeur·e des adresses de thérapie pour « guérir » de l’homosexualité. Choquée, la personne a cherché de l’aide auprès de sa faculté et des instances universitaires, en vain. Que s’est-il passé au juste ? Témoignage.

Témoignage anonyme : les faits

Automne 2017, lors d’un cours sur l’éthique sexuelle dans le catholicisme, l’enseignant·e affirme ouvertement à propos des personnes intersexes : « As there are people who are born blind, deaf, born without a heart…nature fails sometimes ». Le ton est donné. « Thoughts as sexual fluidity are nonsense », enchaîne-t-il·elle avant d’ajouter « male and female acts, emotions and every aspect of our being is marked by our biological sex ». Selon lui·elle, les rôles genrés seraient justifiés, et c’est pourquoi ils ne devraient pas être remis en question : « There’s a purpose why women stay at home and men are called to war ». Vient ensuite la question de l’homosexualité. Selon le·la professeur·e, celle-ci serait souvent née de traumatismes d’enfance causés par les parents, ce qui conduirait à une répulsion envers le sexe opposé. En ce qui concerne les personnes bisexuelles, elles suivraient la philosophie du « whatever feels good » et ne seraient motivées que par le pur plaisir. D’après l’enseignant·e, ces conceptions seraient justifiées par des citations bibliques et des paroles de membres de la hiérarchie ecclésiastique. Il·elle a ensuite pris la liberté de suggérer à ses élèves des adresses de centres de thérapies pour guérir de l’homosexualité.

Choqué·e par ses propos, l’étudiant·e tente d’ouvrir le dialogue avec le·la professeur·e après le cours, mais c’est sans succès car celui·celle-ci n’en démord pas. Il·elle décide alors de se confier à un autre membre du corps enseignant qui le·la met en contact avec le service de l’égalité de l’Université, l’encourageant à faire entendre sa voix. Après avoir présenté son cas, l’étudiant·e ne semble pas être pris·e au sérieux : le service n’a pas l’air de vouloir réagir face aux propos homophobes, considérant que cette affaire ne comporte pas de violences physiques. L’élève se tourne alors auprès du doyen, qui lui aussi déclare ne pas être en mesure de l’aider. L’injonction reste la même : il faut régler ça avec l’enseignant·e en charge du cours, ou alors s’adresser à son·sa supérieur·e hiérarchique. L’étudiant·e, se sentant impuissant·e, n’a pas eu d’autre choix que d’en rester là. Scandalisé·e par l’existence de ce cours (encore enseigné à ce jour) à l’Université de Fribourg, il·elle a même hésité à abandonner ses études. L’élève a finalement décidé de poursuivre son cursus, se disant satisfait·e de la majorité des cours de théologie et faisant remarquer que la plupart des professeur·e·s se montrent relativement ouvert·e·s, voire progressistes.

Pourtant, la question demeure : à l’heure où des groupes intolérants exercent une influence toujours plus grande dans nos sociétés, l’Université de Fribourg ne devrait-elle pas s’opposer à ce qu’un membre du corps enseignant puisse continuer d’exprimer des propos ouvertement homophobes sous couvert d’enseigner l’éthique d’une religion ?

Vers qui se tourner ?

L’association universitaire LaGO offre des espaces sécurisés de dialogues et d’activités diverses pour la communauté LGBTQIA+ de l’Université de Fribourg. C’est d’ailleurs lors d’un café-queer que notre témoin a raconté son histoire. Au moment des faits, LaGO n’avait pas pris l’initiative d’action institutionnelle parce qu’elle n’en a malheureusement pas le mandat, bien que l’association soit officiellement reconnue par le Rectorat. Néanmoins, LaGO soutient toute initiative individuelle pour défendre les droits LGBTQIA+ en utilisant la force de son réseau d’influence médiatique, mais n’a pas les moyens d’offrir des avocat·e·s. L’association fait remarquer que toute dénonciation peut provoquer des représailles contre lesquelles il est aisé de se sentir impuissant·e. C’est pourquoi, faute de pouvoir en faire plus, elle appelle toute victime de discrimination homophobe à venir témoigner lors de ses réunions pour éviter de se sentir seul·e face à l’adversité.

Des solutions pour l’avenir ?

Là où certain·e·s employé·e·s de l’Université ont préféré ignorer l’incident, d’autres se sont tout bonnement retrouvé·e·s administrativement impuissant·e·s face à ce genre de cas. Les services de l’égalité ne semblant pas avoir le mandat nécessaire pour défendre les personnes LGBTQIA+, il semblerait y avoir un vide administratif qui ouvre la voie à des discriminations multiples. Bien que les propos homophobes ne soient pas encore pénalement punissables, il est vrai que toute mesure prise par le Rectorat serait la bienvenue. L’idée d’un bureau indépendant des facultés, en partenariat avec des étudiant·e·s en droit volontaires, permettrait d’éviter tout plafond de verre administratif. Ainsi, non seulement les victimes disposeraient d’une assistance juridique, mais elles n’auraient également plus peur des représailles, puisque la plainte serait déposée auprès de personnes dont elles ne dépendent pas directement. Autant de solutions que l’on espère voir prochainement émerger au sein de notre très chère Université

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