Aréopage, une association de l’Université de Fribourg, a pour but de promouvoir le bien-parler tout en formant ses membres à l’art de la rhétorique. Rencontre avec l’un des fondateur·rice·s à l’issue du procès-fictif organisé dans le cadre de la semaine de la rhétorique.

Un procès fictif 

En l’an 1884, une affaire extraordinaire de meurtre cannibalique ébranle la justice anglaise, opposant Thomas Dudley et Edwin Stephens à la Couronne Anglaise. Dans l’auditoire B de Miséricorde, le procès est reconstitué et replacé dans le contexte juridique helvétique.Le président ouvre le bal en introduisant le public aux faits : quatre marins échoués, vingt jours écoulés, aucun secours en vue et une faim qui ronge peu à peu les voyageurs. Parmi eux, un jeune mousse, orphelin de 17 ans, qui fait l’erreur de boire l’eau de mer, se propulsant ainsi dans un état proche de la mort. Les marins se posent alors la question : franchir l’interdit pour survivre ? Les membres de l’équipage décident de sacrifier le mousse afin de combler le vide de leur panse, et c’est ainsi qu’ils survécurent. La procureure entre en scène et prend la parole en les accusant d’assassinat et d’atteinte à la paix des morts. Au cours de son plaidoyer, la défense, quant à elle, questionne l’éthique et appelle le public à replacer la tragédie dans son contexte. On a affaire à une remise en question des normes et le procès fait ressortir la complexité des intérêts tant juridiques qu’éthiques. À l’issue de ce spectacle et après écoute attentive des deux discours opposés, nous voilà indécis·es, partagé·e·s entre présomption d’innocence et culpabilité. En somme, nous sommes déboussolé·e·s par le pouvoir de la rhétorique.

« On est tou·te·s obligé·e·s de savoir communiquer » 

« Je suis parti en échange universitaire à Paris pendant six mois, j’ai eu l’occasion de participer à pas mal d’événements autour de la rhétorique, et j’ai voulu importer le concept de manière conviviale à Fribourg », raconte l’étudiant en droit Yoann Tagliaferri. Entouré d’un groupe d’ami·e·s, il décide donc de monter une association de rhétorique à l’Université de Fribourg : L’Aréopage. En autodidactes et durant leur temps libre, ils·elles s’approprient les principes de base au travers d’ouvrages théoriques dans le but de transmettre ensuite leur savoir à d’autres amateur·rice·s de l’art de s’exprimer. « La rhétorique, ce n’est pas le pouvoir d’influencer et de manipuler les gens, contrairement à ce que certaines personnes s’imaginent. La rhétorique, ça sert à résoudre des problèmes. Tout le monde a besoin de résoudre des problèmes, donc tout le monde a besoin de la rhétorique. On est tou·te·s obligé·e·s de savoir communiquer », affirme Yoann. Pour l’instant, le groupe est principalement composé d’étudiant·e·s en droit, puisque l’utilité de la rhétorique semble indéniable pour leur futur métier. Le fondateur souhaiterait cependant attirer davantage d’étudiant·e·s en littérature et en philosophie, deux branches dont les apports seraient fortement utiles pour le développement des cours. Mais en quoi ceux-ci consistent-ils au juste ? Tous les mercredis soir, le groupe se réunit pendant deux heures durant lesquelles il aborde la théorie, mise en pratique dans un second temps. « Dès qu’il y a une décision à prendre, dès qu’il y a discours, dès qu’il se passe quelque chose, le débat est rendu possible », poursuit Yoann. 

Une compétence accessible à tou·te·s 

Figures de style macrostructurales, auto-catégorème et autres métaphores… ce qui paraît complexe aux premiers abords est, selon Yoann, maîtrisable par tout·e un·e chacun·e : « Quand les gens entendent parler de rhétorique, ils·elles ont l’impression que c’est réservé aux grand·e·s orateur·rice·s et que ce n’est pas accessible à tout le monde. Or les rhétoricien·ne·s le disent aussi, on peut avoir un style personnel. Je pense que chacun·e est capable d’exceller dans son style. Le style est propre à la personne et on ne va pas pouvoir changer les personnes : chacun ·e vient avec son bagage, sa manière de parler, sa syntaxe spécifique. » L’idée serait alors de décloisonner l’art rhétorique du milieu auquel on l’attribue pour le démocratiser. En effet, nous avons pu le ressentir lors du procès factice, le pouvoir de la parole est fort. Les mêmes faits, la même réalité, peuvent prendre une figure très différente selon la manière dont ils sont énoncés. Le discours transmet des représentations et celles-ci façonnent nos perceptions. Un tel outil ne devrait-il pas être accessible à n’importe qui, quel·le que soit sa profession ou son milieu d’origine ?

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Léa Crevoisier et Stéphane Huber

Crédit photo: Libre de droit, Pixabey