Prévue initialement pour le 12 mars et reportée pour cause d’épidémie, la pièce de théâtre Une rose et un balai n’en reste pas moins un chef-d’œuvre fribourgeois.
Une Rose et un Balai, ce n’est pas « une » histoire mais plutôt « des » histoires. C’est un enchevêtrement d’éclats de vie, de textes courts qui se lisent d’une traite, frais et purs. À l’origine, il s’agit d’un livre publié aux Éditions Faim de Siècle en 2015 par Michel Simonet, dit « le cantonnier à la rose ». La ville de Fribourg, il l’arpente, il la parcourt et la travaille. Entre prose et poésie, il raconte les bonnes comme les mauvaises expériences avec une plume habile et beaucoup d’humour – le texte regorge de jeux de mots et de maximes qui font sourire. Marcher 20 kilomètres par jour, se lever à 4h, croiser les passants du matin – ou ceux du soir, selon si la fête s’est prolongée tard dans la nuit – vivre à même le vent, la pluie et le soleil. Michel Simonet retranscrit avec une sagesse très simple le métier qu’il a choisi et qui l’amène à côtoyer l’être humain dans une étrange proximité.
Du livre à la scène
L’adaptation proposée par les metteur·euse·s en scène Geneviève Pasquier et Nicolas Rossier offre une image vive et prenante de l’histoire du cantonnier. Constituée d’une sélection d’extraits, la pièce veille à garder une chronologie et une fluidité minutieuses. La scénographie, réalisée par Fanny Courvoisier, constitue un tableau simple, en noir et blanc. Au sol, une carte crayonnée revêtant tout l’espace de jeu et au fond à gauche, trois panneaux publicitaires métalliques. Devant, bien en évidence, le char du cantonnier : d’un côté, un balai dressé et de l’autre, à sa proue, une rose. Le décor de base, très épuré, ne tarde pas à bouger. À l’image de la rue, il est fait pour vivre et changer. En somme, malgré son apparente simplicité, le décor recèle de ressources insoupçonnées qui évoluent et se révèlent tout au long du spectacle. Bien entendu, les déchets en font partie intégrante – que serait le travail du cantonnier sans ces derniers ? Poubelles, canettes, sacs en plastique…
Le trottoir comme instrument
Ces déchets sont pourtant loin d’être de simples décorations. Sous les doigts du musicien Alexandre Cellier, ils se font instrument. C’est devenu une habitude pour lui d’essayer, de toucher, de mettre à profit tout ce qui lui tombe sous la main. Il semblait donc évident qu’il utiliserait ce talent : chaque objet est alors propice à produire un son. Le décor entier participe à construire l’ambiance de la ville, tant visuelle que sonore.
Venant compléter le duo, le comédien Yves Jenny offre sur scène une interprétation honnête et chaleureuse. Tous deux permettent d’offrir à la pièce une poésie à la fois légère et frappante : l’un par le timbre posé et émouvant de sa voix, l’autre à travers les idées loufoques qui viennent sculpter ses mélodies. En conclusion, Une Rose et un Balai est d’avance un texte splendide, sonore et parlant, mais porté sur scène, dans ce décor mouvant, il prend vie sous la musique et le jeu franc. Un seul défaut peut-être, qu’elle se termine si rapidement…