Fribourg – Rovaniemi (Finlande), c’est 3158 kilomètres parcourus, 45 heures de trajets, 8 changements effectués, 5 pays traversés, 20 degrés de latitudes engrangés, 2 fuseaux horaires expérimentés. Mais pourquoi est-ce quelqu’un souhaiterait s’infliger une chose pareille ?
Tout d’abord, je me dois d’ériger une statue écrite à la gloire d’Alison Eugénie (elle y tient) Bender pour avoir organisé ce voyage en Finlande d’une main de maître, et à Jérôme Meyer et Roshan Hafezalsehe pour leur excellentissime compagnie durant ce long trajet. Spectrum tient également à adresser ses remerciements au rectorat et à l’AGEF, qui ont financé cette expédition.
Pourquoi ?
Si notre choix s’est porté sur le rail, c’est avant tout pour des raisons écologiques. L’urgence climatique devenant chaque année de plus en plus critique, il est essentiel que de réelles alternatives aux modes de vie actuels soient accessibles et enviables. Pour une telle destination, le train revient 100CHF moins cher, et les émissions de CO2 générées sont presque 100x moindres par rapport à l’avion !
Pourquoi ? [reprise]
Mais, se déplacer de la sorte, c’est aussi expérimenter le voyage d’une autre manière, sortir de cet effet « téléportation » que l’on peut ressentir après avoir passé quelques heures dans un aéroplane qui nous aura déplacé de plusieurs MILLIERS de kilomètres.
Le train, pour les longues distances, c’est voir défiler le paysage, c’est entendre le meilleur contrôleur de tous les temps (cœur sur toi contrôleur danois anonyme) faire des annonces dans une langue dont vous ne comprenez que la mélodie, mais qui vous informe malgré tout « qu’un arbre est tombé sur les voies, notre train est retardé pour une durée indéterminée ».
Le train, la nuit, c’est accepter malgré soi que la « voiture-couchette » que vous aviez réservé n’a de couchette que le nom, et qu’il faudra bien faire avec le siège un peu incliné que vous avez en guise de consolation.
Le train, la nuit, c’est se faire réveiller à trois heures du matin par un contrôleur allemand qui aura sciemment choisi, pour vérifier la validité de votre titre de transport, ce moment où vous vous apprêtiez enfin à entrer dans une phase du sommeil que l’on qualifiera poliment de presque profonde.
Le train, en Europe, c’est se rendre compte de la variété des paysages qui la composent, mais également de leur monotonie. Lorsque l’on vit en Suisse, je crois que l’on conçoit assez mal à quel point les autres pays peuvent être plats, et pour longtemps.
Le train, en Europe, c’est ne pas comprendre que l’heure de différence due au fuseau horaire n’est pas interprétée de la même manière des deux côtés de la frontière car, si votre moyen de transport est certes opéré par une compagnie finlandaise, il n’en part pas moins depuis la partie suédoise d’une ville binationale, c’est-à-dire une heure plus tôt que ce que vous aviez compris.
Le train, en Europe, c’est aussi recevoir un SMS vous informant, LA VEILLE DE VOTRE DÉPART DEPUIS LA FINLANDE, que tous les trains en Allemagne, par laquelle vous passez forcément, sont supprimés sans autre forme de procès en raison d’une grève aux revendications on ne peut plus légitimes (mention spéciale à la Deutsche Bahn qui ne prend pas soin de ses employé·e·s). Forcé·e·s de prendre l’avion, à moins d’effectuer un – probablement charmant – détour par la Russie et l’Ukraine, vous ne pouvez vous empêcher de subir savourer l’ironie de la situation, qui conclut une semaine à parler de durabilité par un très durable vol qui polluera autant que votre personne durant une année entière.
Mais, le train, avec les ami·e·s, c’est aussi avoir le plaisir d’apprendre à mieux connaître ses compagnon·ne·s de voyage, c’est se rapprocher autour d’une expérience commune qui resserre les liens et vous fait apprécier l’autre pour ce qu’il·elle est, c’est se rassasier de diversité, c’est faire des rencontres éphémères, et c’est l’occasion de prendre le temps de se rencontrer soi-même.
Et, le train, pour les longues distances, avec ses hauts et ses bas, c’est avant tout une expérience qui sort du commun et qui vous garantira des souvenirs impérissables. Et vous, vous avez quoi à raconter de votre dernier trajet en avion ?