Première mondiale pour « L’Expérience Blocher » à Locarno. Très attendu, le film de Jean-Stéphane Bron laisse planer le mystère.
Les cinéphiles suisses connaissent Jean-Stéphane Bron. Ses films documentaires (Le génie helvétique, Cleveland contre Wall Street) ont fait sa renommée. Cet automne, il s’attaque à un monstre sacré de la politique nationale: Christoph Blocher. Plongé dans son entourage immédiat, il le (pour-)suit durant sa campagne pour les élections fédérales de 2011. Sans pour autant le percer à jour.
Un exercice de pionnier
C’est une première. Jamais un homme politique suisse n’a connu pareil hommage. Le réalisateur effectue un exercice de pionnier: le genre de la biographie politique est quasiment inexistant dans le cinéma suisse. Véritable exploit d’équilibrisme, «L’Expérience Blocher» évite simultanément les récifs du film à charge et de l’hagiographie.
Chronique de la montée au pouvoir de Blocher, le film est aussi le récit de sa chute. Élu au Conseil fédéral en 2003, il en est éjecté en 2007. En automne 2011, le tribun zurichois échoue à l’élection au Conseil des Etats. C’est le naufrage de ses rêves de revanche. A partir de là, l’homme n’est plus que l’ombre de lui-même. Le film retrace habilement cette déchéance progressive.
Le mystère demeure
La caméra suit un homme parfois déprimé, souvent joyeux, arpentant les couloirs de son château de Rhäzuns (GR) ou sillonnant les routes du pays dans sa berline. Elle le filme sur les plateaux de télévision, à l’Albisgüetli ou lors d’un discours du 1er août. Elle dévoile ses collections d’art et quelques détails de son enfance.
Mais tout en revêtant les oripeaux du long-métrage «intimiste», le film ne parvient pas à pénétrer les coulisses du «système Blocher». Son parti populiste, l’UDC, brille d’une absence éclatante. Silvia Blocher, omniprésente, ne pipe pas un mot. Au spectateur de deviner l’influence réelle qu’elle exerce sur son époux. Passant superficiellement sur des aspects importants, le film peine parfois à garder le rythme. Le ton poétique du commentaire, enfin, se perd en suppositions.
Goguenard, Christoph Blocher botte en touche à toutes les questions dérangeantes. On attend en vain une révélation nouvelle sur l’homme politique qui a marqué la Suisse deux décennies durant. Les spectateurs risquent d’être laissés sur leur faim. Sortie en salle en Suisse romande le 30 octobre.
L’Expérience Blocher, 2013, 100’
Director : Jean-Stéphane Bron
Catégorie « Piazza Grande », Festival del film Locarno
Blaise Fasel