Le weekend du 13 et 14 avril, l’immense complexe de Blue Factory accueillait le premier éco-festival de Fribourg. Pendant les deux jours, un grand nombre de conférences, d’activités et de stands découverte y étaient proposés. Impressions d’une visiteuse.

Après consultation intensive du programme et des plans du labyrinthe de l’ancienne usine Cardinal, me voilà prête à explorer The Green Wave. Vers l’entrée, quelques stands proposent des objets décoratifs fabriqués à partir de vieux bouchons en plastique fondus. La démonstration de fabrication semble fasciner les enfants, qui sont par ailleurs nombreux∙ses. Après avoir aperçu quelques stands de nourriture qui me faisaient de l’œil et avoir manqué de me faire renverser par un Vélo-Bus (une sorte de minibus où tout le monde pédale pour avancer) un peu trop enthousiaste, je me rabats finalement sur une salle de cinéma. La projection est en allemand, mais je décide de m’accrocher.

Enfants et parents observant les stands avec curiosité

« More Than Honey », ou l’importance des abeilles

Réalisé par le suisse-allemand Markus Imhoof, ce documentaire cherche à comprendre les causes de l’extinction de nombreuses colonies d’abeilles au cours des dernières décennies. Pour ce faire, il nous emmène à la rencontre de différentes personnes qui participent à l’industrie relative aux abeilles. On y découvre notamment le business des abeilles aux Etats-Unis, avec des insectes qui souffrent non seulement de maladies parasitaires ou de l’exposition aux pesticides, mais également de stress collectif lié aux longues heures passées enfermées dans des camions, à sillonner les routes du pays vers la prochaine plantation à polliniser. Autre aspect méconnu du grand public : il existe un véritable « marché des reines ». Les éleveur∙se∙s interviennent dans la ruche pour forcer les abeilles à élever et nourrir de multiples reines. Celles-ci sont ensuite prélevées de la colonie et envoyées par courrier à travers le monde. Ce que le film montre très bien, c’est que les abeilles sont impliquées non seulement dans l’industrie du miel, mais aussi dans la pollinisation et donc la production de nombreux autres aliments, comme par exemple les champs d’amandes américains. Les différent∙e∙s acteur∙rice∙s de cette gigantesque industrie aux multiples imbrications sont présenté∙e∙s de manière éclairante et très humaine : on y découvre des personnes souvent impuissantes face aux réalités du monde dans lequel elles travaillent.

La narration du film est réussie, elle crée une certaine proximité émotionnelle entre les téléspectateur·rice·s et une espèce qui, généralement, suscite l’indifférence, voire le dégout. Découvrir ces colonies entières décimées nous attriste, moi et mes voisin∙e∙s (aidé∙e∙s par une petite musique au violon, en fond). D’autres images glacent le sang, comme celles d’une région chinoise où des travailleurs doivent polliniser eux-mêmes les fleurs, une à une, avec des pipettes. Tout comme ce constat alarmant : en Chine, mais aussi en Europe et en Amérique du Nord, aucune colonie d’abeilles ne survivrait sans médicament.

Face à des faits aussi lugubres, je me demande avec angoisse : que peut-on faire ? Le documentaire peine à apporter une réponse. On en ressort quelque peu démoralisé∙e∙s, mais aussi plus sensibles au sort d’une espèce qui, malgré sa petite taille, est un rouage essentiel de l’industrie alimentaire globale. Or, celle-ci se retrouve aujourd’hui menacée par une explosive combinaison de facteurs auxquels il faudra remédier… avant qu’il ne soit trop tard.

Les petits détails qui font tout

A vrai dire, je sors de la projection un peu déprimée. Heureusement, les stands de nourriture mentionnés au début de l’article me tendent désormais les bras. Le restaurant vegan Bliss propose un curry délicieux, et Äss-Bar et son stock de pâtisseries invendues me laissent finir le repas en douceur.

Les âmes affamées se pressent, Tupperware à la main.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas pensé à amener leur propre vaisselle, des assiettes et couverts sont mis à disposition contre caution. L’ambiance est détendue, les gens prennent le temps de manger et de profiter des stands. Les familles avec enfants sont décidément nombreuses et joyeusement bruyantes. Une de mes amies me rapporte avoir entendu une petite fille dire à son papa, toute étonnée : « Mais pourquoi il me donne un sachet pour mon petit pain le monsieur ? Je vais le manger tout de suite ! ». Voir des enfants sensibilisé∙e∙s dès leur jeune âge aux gestes écologiques, ça met du baume au cœur.

Après le repas, je m’aventure vers les nombreux stands présents dans l’une des halles. On y trouve un peu de tout, des habits de seconde main aux cosmétiques naturels en passant bien sûr par de nombreuses associations qui, telles le WWF ou le label J’OSE, profitent de l’occasion pour sensibiliser le public à leur cause. A côté de cette halle, des amplis diffusent de la musique. La particularité ? Ceux-ci fonctionnent grâce à l’énergie créée par deux vélos qui y sont reliés ! Les visiteur∙se∙s sont donc invité∙e∙s à pédaler en continu, à tour de rôle, pour que la musique perdure. Bien que je décider de passer mon tour, l’idée me fait sourire et me rappelle combien quotidien dépend de l’électrcité. Sur ces réflexions songeuses, je décide de laisser derrière moi Blue Factory et la météo peu clémente de ce samedi d’avril, histoire de méditer sur mes découvertes…

Un festival ambitieux, mais cohérent

Quelle impression m’a donc laissé cet éco-festival ? A la première lecture, le programme m’a intimidée : en effet, en plus du bref tour d’horizon que j’ai pu faire, le festival proposait aussi de multiples conférences et ateliers, l’inauguration d’un frigo solidaire, un clean-up de la ville, des cours de yoga et mille autres choses. Si l’embarras du choix permet à chacun d’y trouver son compte, il peut aussi paralyser : devant tant d’options, que choisir ? Bien que la crainte de se retrouver devant un cafouillis de propositions bâclées m’ait traversé l’esprit, je dois avouer que l’appréhension s’est finalement retrouvée infondée : malgré une programmation ambitieuse, l’événement s’est révélé bien organisé et surtout, cohérent. Tout a été pensé pour être réalisé en accord avec les principes écologiques, de la nourriture à la gestion des déchets. Les découvertes étaient au rendez-vous (saviez-vous par exemple qu’il existait un « VegiPass », qui permet de bénéficier de rabais dans toute une liste de restaurants végétariens ?), et l’intérêt du public également. J’en suis repartie un peu plus soucieuse pour les abeilles, mais surtout plus déterminée que jamais à prêter attention à mes habitudes et gestes quotidiens pour vivre plus harmonieusement avec notre chère planète. Et si chaque personne que j’ai croisée à The Green Wave a ramené un peu de cette bonne volonté dans son quotidien, alors le pari est réussi.

Crédits photo: Pauline Seppey