Une rencontre visionnaire s’est tenue le 20 mai dernier, à l’Institut Adolphe Merkle. Des adolescent·e·s de tout le canton ont eu l’occasion de rencontrer scientifiques et politicien·ne·s pour discuter des solutions et des problèmes que la science et les technologies nous apportent. Spectrum a été convié à observer ce que ces jeunes, notre avenir, nous réservent.
J’entre dans un auditoire rempli d’adolescent·e·s qui, tour à tour, lancent questions et suggestions à deux chercheur·se·s. Ça parle vitesse de la lumière, exoplanètes et terraformation. Je viens d’entrer dans le futur sans même m’en apercevoir ! Les scientifiques sont visiblement ravi·e·s de répondre à l’enthousiasme des jeunes qui ont travaillé des semaines pour préparer cette journée.
Science & Youth est une journée organisée par les Académies Suisses des Sciences pour permettre à de futur·e·s adultes de débattre de leurs espoirs et de poser directement leurs questions à des scientifiques. Les chercheur·se·s viennent de partout en Suisse. Certain·e·s sont dans le monde professionnel ; d’autres dans la recherche fondamentale. Ensemble, ils et elles préparent les adolescent·e·s à rencontrer un panel de polticien·ne·s fribourgeoi·e·s. Car ces journées sont tournées autour de la question suivante : « De quelles recherches l’avenir a-t-il besoin ? »
Cinq thématiques ont été présélectionnées : Relations robot-humain, colonisation spatiale, mobilité futuriste, réchauffement climatique et traitement éthique des animaux. Dans l’atelier auquel j’assiste, la question abordée est celle de la colonisation spatiale. Le rôle des scientifiques est principalement de mettre les informations au clair et de distinguer le vrai du faux dans la science-fiction. Voyager à la vitesse de la lumière ? Ça demanderait tellement d’énergie, plus que tout ce que nous produisons sur terre aujourd’hui ! Terraformer Mars et lui donner une atmosphère ? Même si nous avions la technologie et les ressources disponibles, nous sommes des êtres issus de l’évolution terrestre. Les os et les muscles deviennent faibles et fragiles lorsque la gravité s’allège comme cela est le cas sur Mars. S’y adapter serait peut-être impossible.
S’organisent ensuite des petits groupes de discussion. Dans chacun de ceux-ci, les jeunes se mettent à la place de chercheur·e·s, de politicien·ne·s, de familles, d’entrepreneurs·e·s et imaginent les générations futures pour simuler la société et les différents acteurs et actrices de demain. La question : « Devrait-on investir dans l’aérospatiale ? » Les jeunes pensent que oui. Même si ce serait difficile, cela vaudrait la peine de laisser la nature sur Terre se régénérer pendant notre absence, pour y revenir ensuite. Ils et elles buttent cependant sur le problème de l’inégalité d’accès aux bénéfices de ces investissements. Que ce soit le tourisme spatial ou la colonisation, seuls quelques individus auraient la chance d’y avoir accès.
Vient ensuite le moment tant attendu ! Des élu·e·s, des jeunes et des ancien·e·s, de droite comme de gauche, rejoignent l’auditoire qui est maintenant rempli par les 75 adolescent·e·s. Chaque groupe a préparé un panneau affichant les arguments en faveur et en défaveur de leurs idées pour convaincre nos représentant·e·s. Chaque élu·e·s aborde le thème qui l’intéresse le plus et discute avec les jeunes. Ces dernier·ère.s défendent fièrement leurs idées, mais sont vite « ramené·e·s sur terre » par les considérations politiques : qui paie ? Comment réaliser ces objectifs ? Comment convaincre le reste de la population ? Les interactions sont plus gênées qu’avec les scientifiques. Les élu·e·s, enthousiastes, cherchent à les mettre à l’aise. Les jeunes apportent des idées ambitieuses : création d’un label de viande éthique, fin de la propriété individuelle des voitures, empêcher les robots de remplacer les humains ou favoriser les opinions des ONG climatiques contre ceux des entreprises. Et les politicien·e·s, tout comme les chercheur·se·s avec la science et les considérations pragmatiques, leur expliquent que la politique ne se fait pas comme dans les films. Enfin, chaque groupe offre une présentation des résultats de ces discussions à toute l’assistance. La journée s’achève sous les applaudissements et une excitation encore palpable. Une vraie réussite pour les organisateurs et organisatrices !
Je repars cependant quelque peu déçu. Et ce pour deux raisons : le manque de sciences sociales et le peu de temps qu’ont pu passer nos jeunes avec nos représentant·e·s politiques. Des spécialistes en sciences sociales auraient pu aider les adolescent·e·s à répondre à des questions qui n’étaient pas de l’ordre des sciences dures. Et éviter qu’ils et elles ne reçoivent les préjugés de ces derniers qui, bien entendu, ne peuvent tout savoir. Peut-être pour une année prochaine ? Décidément, le manque de temps est pathologique de notre époque. Pourtant, il aurait été nécessaire de le prendre afin qu’il reste quelque chose de cette journée pour nos élu·e·s. Les enfants sont reparti·e·s avec une expérience enrichissante de confrontation de leurs idéaux avec la réalité. Les représentant·e·s repartent enrichi·e·s d’une expérience d’enthousiasme juvénile. Je ne pense pas que cela changera quoi que ce soit à leur politique et c’est bien dommage. Quand la science sort de la bouche des enfants, nos élu·e·s sourient, félicitent et passent à autre chose.
Crédits photo: Mark Stastny, Science et Cité