La science est claire : l’intestin est étroitement lié à notre cerveau. Dans quelle mesure ce mystérieux organe influence-t-il notre corps et notre tête ?

Mastication, reflux gastriques, ballonnements, constipation… Ces termes vous gênent ? Ils décrivent simplement le processus le plus naturel accompli par un être vivant : la digestion. Aujourd’hui, la question n’est plus réservée aux expert·e·s. Le best-seller Le Charme discret de l’intestin est une des illustrations de cette démocratisation auprès du grand public. Dans son ouvrage, Giulia Enders lève le voile sur ce sujet peu glamour, pourtant fondamental à la compréhension de notre organisme. L’auteure donne sans complexe la vedette à notre appareil digestif. Enders définit l’intestin comme un informateur. En effet, 90% des informations circulant entre lui et le cerveau viennent… d’en bas. Faudrait-il écouter nos tripes avant la raison ? Ce véritable chantier reste encore difficile à cerner. Heureusement, la science progresse. Les ficelles du mystère de l’intestin se démêlent petit à petit… pour le plus grand bonheur des petits bidons noués.

Alors qu’elle est doctorante en gastroentérologie, Giulia Enders publie en 2014 un ouvrage de vulgarisation, Darm mit Charme, qui remporte aussitôt un succès international.

Un organe pas comme les autres

En 2013, la science prend un nouveau tournant. Un nouvel organe vient d’être découvert : le microbiote intestinal. C’est une révolution ! Situé dans notre intestin, cet écosystème n’est pas constitué comme les autres organes de cellules humaines, mais d’un total de 100.000 milliards de bactéries. Selon le professeur Stanislav Dusko Ehrlich, celles-ci sont de véritables ouvrières : elles sont capables de synthétiser des substances similaires à des neurotransmetteurs, en charge de la transmission d’information à travers le corps. Grâce à son système nerveux indépendant, le microbiote intestinal est capable de communiquer avec le cerveau ! Le professeur irlandais John Cryan explique que l’axe intestin-cerveau permet une communication bidirectionnelle entre les deux zones. Par conséquent, lorsque la flore intestinale devient dysfonctionnelle, les fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques se trouvent déréglées. On parle alors de dysbiose intestinale.

Un intestin sain : la clé du bien-être ?

Des études ont démontré que la dysbiose influencerait directement la production de sérotonine, l’hormone du bonheur. Sachant que 95% de la sérotonine est issue de notre intestin, l’alimentation pourrait bien être la clé du bien-être. Encore faut-il bien manger ! Au top des aliments bonne humeur se trouvent le saumon, riche en oméga 3, les noix pour suffisamment de minéraux, les lentilles pleines de vitamine B, et le chocolat… parce que c’est la vie. Mais attention aux excès : la malbouffe appelle la dépression. La revue Molecular Psychiatry a démontré qu’un mauvais régime alimentaire peut conduire à une inflammation systémique, c’est-à-dire à une inflammation de tout le corps. Rappelez-vous : l’intestin entretient des échanges continus avec le cerveau. Les molécules intestinales enflammées sous l’excès de gras ou de sucre ingéré se retrouvent directement dans notre encéphale, augmentant le risque de dépression. On comprend mieux pourquoi les dimanches sont si déprimants après les cheat days du weekend.

De nouvelles pistes pour la maladie de Parkinson

Les symptômes psychiques ne se limitent pas au moral dans les chaussettes. Le système nerveux intestinal aurait aussi des répercussions sur le système moteur. D’après la revue scientifique Médecine/Science, le microbiote intestinal joue un rôle dans l’apparition des troubles moteurs identifiables dans la maladie de Parkinson. Cela s’explique notamment par le fait que l’intestin grêle soit la première source de dopamine. Pour le système nerveux central, cette hormone est un véritable modulateur. Elle agit sur la coordination des réactions motrices, déficientes chez les patient·e·s parkinsonien·ne·s. Toutefois, la recherche doit encore se poursuivre avant de pouvoir établir un véritable lien de causalité.

Le Dr Yann Ravussin est physiologiste spécialisé dans la régulation du poids corporel. Il est également maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Fribourg.

Probiotiques en renfort

Rassurez-vous : il existe quelques astuces pour rééquilibrer tout ce beau monde. Les probiotiques, naturellement présents dans le corps et dans certains aliments comme les yaourts, contribuent au bon équilibre des bonnes et des mauvaises bactéries dans la flore intestinale. Lorsque celle-ci est déséquilibrée, les mauvaises bactéries prolifèrent et affaiblissent notre système digestif. S’ensuivent alors des troubles digestifs, des allergies, de l’acné ou de l’anémie. Les probiotiques sont un moyen efficace de réduire les risques de panse chaotique. Toutefois, ces dispositifs ne remplacent pas un traitement médical et leur action reste préventive, comme les vitamines ou les oligo-éléments.

Un landscape alimentaire inadapté

Ces découvertes représentent de nouvelles pistes pour la santé de demain. Malgré tout, le taux d’obésité et de diabète ne cesse d’augmenter. Les fast-foods prolifèrent et l’offre alimentaire pré-préparée s’élargit toujours plus. Yann Ravussin, docteur et physiologiste spécialisé dans la régulation du poids, soulève le caractère inadapté de notre physiologie dans une société comme la nôtre. « Notre biologie est mal adaptée à l’environnement nutritionnel d’aujourd’hui. Les grandes compagnies ont réussi à trouver des combinaisons de graisse, de sucre et de sel qui sont l’apogée du bonheur pour l’être humain. » Le Dr Ravussin explique que nos prédispositions génétiques ne sont pas en adéquation avec ce paysage alimentaire hyperdiversifié. La solution de l’expert ? « Cuisinez à partir d’aliments présents dans la nature, là où notre contexte génétique a été créé, et évitez les produits industriels préparés. » Cause you are what you eat !

Pour approfondir, regardez Microbiote, ces bactéries qui nous gouvernent, RTS, 36°9, 2013 (34:02) : https://www.rts.ch/play/tv/369/video/microbiote-ces-bacteries-qui-nous-gouvernent?urn=urn:rts:video:4600581.

© Illustration: Lara Diserens