Cela faisait belle lurette qu’un film italien n’a pas fait autant parler de lui que Viva la libertà. Léger, engagé et vivement recommandé par certains critiques, d’autres l’ont au contraire littéralement massacré. Reproches justifiées ou les éloges sous-évaluées?
Cinquième opus cinématographique de Roberto Andò, le sicilien adapte son roman acclamé, Il Trono vuoto, sur grand écran. Au premier abord, une question se pose: pourquoi diantre le titre du film n’est-il pas pareil à celui du livre? Puisque l’auteur et le réalisateur sont une seule et même personne, aucune mesure juridique ne s’imposait à lui, mais il a néanmoins choisi d’agir ainsi pour transmettre un message d’espoir aux italiens. En effet, « vive la liberté » sonne bien plus optimiste que « le trône vide », même si en fin de compte, le film est plus focalisé sur le personnage figuré du politicien, plutôt que sur la politique en soi. Pour ceux n’ayant ni vu ni lu cette histoire, une petite introduction s’impose:
Enrico Oliveri, secrétaire général du parti démocrate, en est tellement à bout d’être méprisé par le peuple, qu’il décide de partir sans prévenir quiconque à Paris, retrouver un amour de jeunesse. S’étant aussitôt aperçu de sa disparition, son conseiller personnel ne sait pas à quel saint se vouer, mais la femme du politicien fougueux a une idée: remplacer son mari part le frère jumeau de ce dernier, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. Solution parfaite s’il n’y avait pas un problème mineur: ce frère jumeau vient tout juste de sortir de l’hôpital psychiatrique, car atteint de trouble bipolaire!
En traitant le thème du double, présent dans une grande partie du registre du théâtre et de littérature classique, le public a une impression de déjà-vu en même temps qu’un sentiment de nouveauté. Les partis-pris scéniques différant de ceux dont on a l’habitude de voir pour un pareil sujet, ils ne s’éloignent pas pour autant du schéma classique.
Un second exemple de l’aspect contradictoire du film est lié à l’idée que l’on a du cinéma mainstream italien. Viva la libertà est une tranche de vie combinant à la fois pathos et ridicule, pourtant, certains considèreront que le côté dramatique de ce film n’est pas assez profond et le comique pas assez vraisemblable. Avec un peu de recul, on s’aperçoit toutefois que les caractères qui se complètent d’habitude sont ici judicieusement mélangés, au point où les moments de profonde mélancolie donnent l’impression d’être pratiquement satiriques, et ceux d’absurdité ont une touche de poésie, pour ne pas dire d’allégorie. Cette fusion est aussi apparente chez les deux frères: tout les sépare au début pour que le public ne puisse plus parvenir à les distinguer à la fin.
Ces contrariétés expliqueraient donc pourquoi les uns ont apprécié et d’autres moins; tout dépend de l’ouverture et de l’état d’esprit du spectateur au moment du visionnage. Les feedbacks diversifiés sont légitimes dans ce point de vue, les deux partis ont raison. Pour l’apprécier, il faudrait donc percevoir Viva la libertà comme une fable à prendre à la légère, un divertissement plutôt qu’un film profondément moral.
Clarisse Aeschlimann