De retour pour sa 7ème édition, et récemment rebaptisé, le Duplex Festival nous accueille du jeudi 1er mars au matin du dimanche 4 mars pour un weekend électrifiant. Interview avec le fondateur du festival, Richard Kershaw.

Nous nous retrouvons aujourd’hui avec le fondateur du Duplex Festival, Richard Kershaw, qui a accepté  mon invitation pour répondre à des questions sur les origines du festival, les difficultés dues à son organisation, et le monde de la musique électronique. Pour un habitant de Fribourg depuis plus d’une dizaine d’années comme moi, le Duplex Festival, également appelé « Duplex electronic week-end » jusqu’à cette année est un évènement autant représentatif de la ville de Fribourg que le Carnaval des Bolzes en février ou le discours de Saint-Nicolas à la cathédrale en décembre.

Richard Kershaw by Jean-Marie Michel

Salut Richard, en tant que fondateur, peux-tu m’expliquer qu’est-ce que le Duplex Festival ? Depuis combien d’années existe-t-il ?

—Le Duplex Festival est un weekend dédié à la culture de la musique électronique et des arts qui la constituent. Il se déroule sur 3 jours à Fri-Son, à Fribourg. Mettant en avant un large panel d’artistes internationaux et locaux représentant divers genres, l’événement propose également des workshops ainsi qu’une conférence culturelle. Cette année, Duplex soufflera ses sept bougies. Toutefois, c’est la première fois que l’événement est défini comme festival.

Combien de temps dure le festival ?

—Le festival commence le jeudi 1er mars 2018 avec la Conférence Culturelle et se termine le dimanche matin à 10h, le 4 mars 2018 avec l’after-party au Mouton Noir qui sera exceptionnellement ouvert de 6h à 10h pour l’occasion. Cet after est d’ailleurs une première à Fribourg, pour nous comme pour le Mouton Noir…et surtout pour le public !

Pourquoi as-tu choisi le nom ‘Duplex’ ?

—Ce nom a été choisi pour souligner le fait que l’événement se déroule dans les deux salles de Fri-Son, contrairement à la majorité des soirées qui y sont organisées. Il fait aussi allusion à la dualité de la programmation, influencée par les courants musicaux UK Bass et House/Techno, que l’on peut grossièrement lier aux deux actuelles capitales de la musique électronique européenne : Londres et Berlin.

Comment le Duplex a-t-il été créé ?

—Voulant présenter des artistes de plus grande envergure dans la musique électronique, j’ai proposé un concept en 2012 qui faisait la part belle à ce milieu en utilisant l’ensemble de l’infrastructure à disposition à Fri-Son. Le secrétaire général et le programmateur de l’époque ont été convaincus par la viabilité du projet et, après une première édition limitée à un soir, le concept s’est rapidement développé pour s’étendre sur tout un weekend.

Fri-Son, Atmosphere Picture by Jeremy Küng

Pourquoi t’es-tu engagé à l’organisation de Duplex ?

—Sincèrement parce que je suis passionné par ce milieu, j’ai envie de transmettre toutes les “bonnes vibes” que j’y ai ressenti à d’autres personnes et parce qu’à Fribourg, si tu ne le fais pas toi-même, personne ne le fera.

La musique électronique semble occuper une place importante dans ton cœur, quelle est ta relation avec elle ?

—Je suis un passionné de la musique dans son ensemble et je me produis en tant qu’artiste (MC Drum’n’Bass) dans le milieu électronique. Cela fait également une décennie que je suis promoteur de soirées dans le genre, mon plus gros projet étant le Duplex Festival.

Legowelt

Tu dis que tu es un passionné de la musique dans son ensemble, mais qu’est-ce qui t’attire dans l’électro en particulier ?

—Je suis accro aux rythmes frénétiques et aux basses incroyables des genres comme la Drum’n’Bass et le UK garage, que j’affectionnent depuis mes années universitaires à Londres. Le côté tribal de tout un groupe de personnes “tapant du pied” ensemble est pour moi sans pareil. Enfin, certaines connexions et rencontres que j’y ai faites comptent maintenant parmi mes meilleurs amis, et je ne cesserai d’être bercé par ces ondes sonores jusqu’à mon dernier souffle.

Quelles sont tes tâches dans le comité ?

—Superviser l’évolution globale du projet, programmer une partie des artistes du festival, remplir les contrats, gérer la direction artistique de la communication et des installations visuelles, assurer le budget, diriger les réunions et assister dans toutes les autres tâches nécessaires qui doivent être accomplies. De la promotion au développement web en passant par la coordination avec les techniciens. Un cahier des charges fort bien rempli.

L’organisation du Duplex semble consommer une grande partie de ton temps. Comment équilibres-tu tes tâches dans le comité et ta vie personnelle ?

—Difficilement. J’ai eu la chance d’être le patron de mon propre magasin de musique, Neurocide Shop, pendant de nombreuses années, où j’avais la possibilité d’accomplir une grande partie des tâches liées à la gestion de cet événement lors de mes heures au shop. Cependant, j’ai pris une autre direction professionnelle depuis quelques temps, travaillant indépendamment dans le graphisme, mais ce n’est pas toujours facile d’équilibrer et de gérer les rentrées d’argent mensuelles quand on consacre autant de temps à ce projet, bénévolement et par passion.

Quelle est la philosophie du Duplex Festival ?

—Rassembler la communauté autour de la musique que nous apprécions tout en proposant d’autres activités ludiques et éducatives ouvertes à tous (workshops, conférence). Nous cherchons à rendre le plus abordable possible ce milieu qui nous est cher et que certains considèrent parfois, aujourd’hui encore, comme obscur. Cette idée de rassemblement se retrouve aussi dans les nombreuses pré-parties que nous avons organisées dans plusieurs salles phares de Suisse Romande ainsi qu’à Berne.

Quels sont les styles des musiques présentés dans ce festival ?

—House, Techno, EBM, Electro, Wave, Breakbeat, Garage, Grime, Drum & Bass, Dubstep (avec divers degrés d’importance selon les années). Nous essayons vraiment de proposer un panel large de styles pour mettre en valeur la richesse de cette culture et permettre à chacun de faire des découvertes, de se familiariser avec des genres musicaux qui peuvent sembler complexes ou inintéressants à ceux qui n’y auraient jamais prêtés l’oreille.

Quels artistes as-tu hâte de voir en concert ?

Flava D

—Littéralement tous ! Plus particulièrement je suis curieux de voir Sh?m et Iglooghost car ce sont des découvertes récentes dont les réalisations sont très surprenantes. Je me demande également comment le public fribourgeois va réagir au style de Flava D, dont la réputation n’est plus à prouver. J’ai déjà eu la chance de participer à un concert des Upbeats et c’est tout simplement génial mais je suis aussi impatient d’entendre ce que lnationaux (Slugabed, Marsman) sont également au top et je suis sûr que E&A Ruëger, Simpig, la Bohème ainsi que leurs compères suisses vont nous émerveiller ! Ayant participé de près à cette programmation, je peux donc clairement répéter que j’ai hâte de tous les voir à l’oeuvre !

Tu avais dit auparavant que Londres et Berlin étaient les capitales de l’électro. Comment se développe la musique électronique en Suisse ?

—Alors ça, c’est une vaste question, en réalité elle se développe depuis des décennies avec l’apparition de plus en plus d’événements dédiés à cette culture musicale, notamment dans certaines villes comme Genève et Fribourg pour ce qui est de la Suisse Romande. On peut dire qu’elle a maintenant bel et bien pris racine en Suisse. Qui plus est, avec le monde actuel de plus en plus connecté, nous sommes bien plus rapidement influencés par les tendances venant des grands centres mondiaux de ce genre de musique. Toutefois, il est important de souligner que c’est un milieu dont la reconnaissance n’est pas encore entièrement établie. Il reste encore beaucoup de chemin à faire. Beaucoup d’acteurs, même majeurs, de ce milieu sont bénévoles et doivent mettre sur pied des projets avec parfois très peu de moyens.

Existe-t-il d’autres festivals de musique électronique en Suisse ? Quelle est la place du Duplex Festival en relation avec ces festivals ?

—Oui, entre autres l’Electron (GE), la Superette (NE), Polaris (VS) mais nous pouvons aussi voir de la programmation électronique de plus en plus présente dans les grands festivals, comme le Paléo, ou le Montreux Jazz. Le Duplex Festival est devenu le plus grand événement du genre dans la région et s’est donc fait sa place dans le paysage festivalier suisse. Pour les Fribourgeois, Duplex est un événement majeur dans l’année mais c’est un fait que nous n’avons pas les mêmes moyens financiers à l’heure actuelle que d’autres plus grands événements.

Tu as évoqué des workshops et une conférence culturelle au début de cette interview. Combien de conférences auront lieu ? Qui seront les intervenants ?

—Une conférence à proprement parler aura lieu, le jeudi 1er mars 2018 de 17h à 22h, mais nous présentons également nos workshops avec quelques invités lors d’une séance avant celle-ci. La conférence aura l’honneur d’accueillir un invité de marque à 19h : Dimitri Hegemann, fondateur du Tresor Berlin, club de référence de la capitale allemande. Le thème central de la conférence est “Le potentiel de l’économie nocturne et son impact sur le développement urbain”, un thème qui résonne beaucoup avec certains débats actuels. Concernant les séances préalables, elles se focalisent sur la présentation des workshops et des projets réalisables quand on maîtrise les compétences qu’on y apprend.

Et les workshops ? En quoi consistent-ils ?

—Ils consistent à mettre “la main à la pâte” et à participer aux diverses étapes du processus de création, respectivement la mise en place d’une installation de mapping dans le cadre du workshop vidéo et, la fabrication d’un embryon de synthétiseur (un oscillateur) dans celui du workshop audio. Le but est à nouveau de permettre au public de se familiariser avec cette culture, en allant cette fois à sa rencontre, en dépassant la position de simple spectateur.

Les workshops ont l’air d’être une opportunité en or pour tout amateur de la musique électronique, à qui sont-ils destinés ? Combien coûtent-ils ?

—A toute personne qui s’intéresse à ces technologies et qui souhaite en apprendre plus ! Nous recommandons toutefois un âge minimum de 15 ans afin d’être sûr de comprendre les concepts qui y sont abordés. Les prix sont les suivants : CHF 60 pour le Workshop Vidéo et CHF 50 pour le Workshop Audio. Ils se dérouleront le samedi 3 mars de 13h à 18h, respectivement à l’EIKON et au SMEM.

Le festival semble donner une vision globale du monde de la musique électronique lorsqu’on prend en compte les concerts, la conférence et les workshops. La quantité de travail fourni a dû être énorme. Qu’as-tu appris à travers cette expérience ?

—Que quand on met toute son énergie dans un projet, celui-ci se développera et la réussite sera au rendez-vous, mais qu’il est parfois difficile d’en demander autant à d’autres bénévoles. C’est un équilibre sensible à gérer, tant au niveau personnel que relationnel avec les merveilleuses personnes qui vous aident à réaliser vos objectifs.

Quelle est ta partie préférée dans cette aventure ?

—Le moment où je bois un petit verre avec les membres de notre équipe, contemplant le headliner en train de faire virevolter le public de Fri-Son, tout en admirant les installations multimédia de nos partenaires avec qui nous avons passé des mois de préparation.

Je te donne une opportunité de motiver les lecteurs de Spectrum. Pourquoi devrions-nous venir au festival ?

—Parce que c’est le meilleur événement du genre de la région, parce qu’autant de pointures de cette culture ça n’arrive pas souvent en Suisse, parce que le prix défie toute concurrence, parce que notre conférencier est un personnage sans qui cette culture n’aurait pu être ce qu’elle est aujourd’hui et Berlin ne serait pas aujourd’hui la capitale européenne de la vie nocturne et des musiques électroniques, parce que je suis persuadé que chacun peut en tirer quelque chose de nouveau et de positif, parce que la musique sera excellente, et avant tout parce que c’est fun!

As-tu un message que tu aimerais transmettre aux lecteurs ?

—Vivez votre vie telle que vous la sentez, électronique ou pas, l’important c’est d’être heureux. Pour ma part je serais comblé de vous accueillir au Duplex Festival 2018 et suis persuadé que vous y passerez un bon moment !

Avant de boucler l’interview, aurais-tu une dernière chose à dire ?

—J’aurais juste un dernier remerciement à faire à toute mon équipe, le staff de Fri-Son, les nombreux volontaires ainsi que nos divers partenaires et tous les clubs qui nous ont accueillis pour les pré-parties 2018. Sans vous, Duplex ne serait qu’un rêve !

Plus d’infos sur: http://www.duplex-festival.ch/2018/

Crédits photo: Duplex Festival